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Les « riches » Français redistribuent par an 275 milliards de leurs revenus et capitaux ! Exploration sérieuse complète dans les arcanes de l’INSEE

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« Abolir les milliardaires » ? Cette curieuse expression, inventée par Oxfam, a probablement été préférée à éliminer les riches, mais signifie la même chose. Elle rejoint la pensée de Jean-Luc Mélenchon jugeant immorale la richesse, au motif du combat contre les inégalités. Parlons chiffres : L’Insee a refait ses calculs, comme nous l’avons indiqué l’année dernière, afin de permettre de juger l’étendue de la redistribution opérée en France entre riches et pauvres.

Nous précisons ici ce qu’il faut entendre chaque année par cette redistribution entre les dix dixièmes de la population française (les déciles), à partir des calculs opérés et publiés par l’Insee[1]. Nous aboutissons au chiffre de 275 milliards d’euros pour les quatre derniers déciles, dont 216 milliards pour la seule contribution par le dernier dixième, au profit des premiers déciles. Chacun pourra facilement en conclure ce qu’il en coûterait d’ abolir les riches…

Sommaire :

Précisions méthodologiques

Les courbes

Commentaires

Conclusion

Précisions méthodologiques

L’Insee procède ainsi en résumé :

  • La première étape consiste à diviser la population des ménages français[2] en dix dixièmes selon leurs revenus primaires. Le premier dixième comprend tous les ménages dont le revenu primaire est inférieur ou égal à celui du décile 1, le second tous les ménages aux revenus compris entre les déciles 1 et 2 etc. jusqu’au dixième comprenant tous les ménages dont le revenu est supérieur à celui du décile 9.
    Sont pris en compte l’intégralité des revenus, à savoir les revenus bruts du travail, du patrimoine, des entreprises et loyers fictifs, ce qui permet d’obtenir le revenu national net avant transferts[3].
  • Pour parvenir à la redistribution monétaire usuelle, aussi appelée revenu disponible, d’une part on ajoute aux revenus primaires l’intégralité des prestations sociales monétaires (retraites et invalidité, chômage, rentes ATMP, famille, minima, prime d’activité), et d’autre part on déduit l’intégralité des prélèvements obligatoires directs ou indirects payés par tous les acteurs sociaux.
  • La nouveauté apportée par l’Insee en 2021 consiste à ajouter deux types de transferts, à savoir les transferts en nature (santé, logement, éducation, action sociale), ainsi que le bénéfice des services publics non individualisables (police, justice etc), ce qui permet de parvenir au concept de redistribution élargie objet du dossier de l’Insee.

Les courbes

A partir de ces calculs, nous avons établi, pour chacun des déciles, un chiffrage des transferts permettant de passer des revenus primaires (après la première étape) aux revenus de la redistribution élargie de la dernière étape. Nous avons donc additionné d’une part toutes les prestations sociales monétaires ainsi que les prestations en nature et celles des services publics non individualisables. Le résultat est représenté par la courbe rouge du premier graphique présenté ci-dessous.

Nous avons par ailleurs additionné l’intégralité des prélèvements obligatoires (taxes, impôts et cotisations sociales) payés par les acteurs de chacun des dixièmes de population, et les avons représentés par la courbe bleue sur le premier graphique.

Avantages ou contributions nets selon la tranche de population

Courbe orange -> Prestations et transferts publics reçus
Courbe bleue -> Prélèvements obligatoires totaux

Nous avons établi par ailleurs un second graphique, qui permet de représenter autrement le même phénomène, à partir de l’écart existant entre les deux courbes du premier graphique, c’est-à-dire entre les prestations et les prélèvements.

Écart positif ou négatif entre bénéfices et prélèvements pour chaque décile

Courbe bleue -> écart positif ou négatif entre bénéfices et prélèvements pour chaque décile

Commentaires

  1. Nous voyons d’abord que le bénéfice des prestations diverses (courbe rouge du premier graphique) est à peu près constant, aux alentours de 100 milliards, pour chacun des dixièmes. Si l’on compare le premier au dixième, on voit que, pour ce qui est des prestations sociales, la différence (33 pour le premier contre 72 milliards pour le dernier) tient essentiellement aux retraites, ce qui n’est pas étonnant ni significatif puisque les retraites sont des revenus différés. En revanche le dernier dixième ne perçoit quasiment pas de revenus dans les lignes famille, pauvreté et mutuelles, contre 21 milliards pour le premier dixième.
  2. Concernant les transferts en nature individualisables, le premier dixième bénéficie de prestations estimées à 56 milliards contre 29 milliards pour le dernier, et pour les dépenses publiques non individualisables, les chiffres sont respectivement 19 et 22 milliards[4].
  3. Enfin, concernant les prélèvements, les écarts sont considérables, mais peut-être plus qu’on ne pouvait l’imaginer. Les quatre derniers dixièmes acquittent 744 milliards, et les six premiers seulement 297. C’est surtout l’écart entre le premier et le dernier dixième qui interpelle : pour les taxes diverses, 19 milliards (10 pour la TVA) contre 60 milliards, pour les impôts sur le revenu et le patrimoine, 3 milliards contre 157 milliards, et pour les cotisations sociales 11 contre 117 milliards, soit au total un écart de 334-33 = 301 milliards. Cet écart est reflété dans la courbe du second graphique.
  4. Mention particulière doit être faite des retraites : le dernier dixième paye plus de cotisations qu’il ne reçoit de pensions (63 contre 59 milliards[5]). Aucun autre décile ne se trouve dans cette situation, même pas le neuvième décile qui reçoit 52 milliards et contribue pour 44), le premier décile recevant 6 pour une contribution de 3 milliards. Cette situation est due au fait que le plafonnement des cotisations n’intervient que pour des salaires annuels très élevés, au-dessus de 8 fois le plafond de la Sécurité sociale, le PASS, (44K€) tandis que le taux total de cotisation est de 21,59% au-dessus du PASS. Ceci est une spécificité française, en Allemagne par exemple, le taux est de 18,6% et le plafonnement interrvient dès 7.050 euros mensuels de salaire. Cette spécificité permet à la caisse de retraite française de récolter davantage de fonds de la part des titulaires des hauts salaires (174 milliards pour les seuls 4 derniers déciles[6]).
  5. Comparaison des revenus y compris les revenus primaires et Indice de GINI.

Le rattrapage de 301 milliards entre premier et dixième décile dû au montant des prélèvements pesant sur le dernier dixième a bien entendu pour effet de rapprocher considérablement les revenus des deux extrêmes : d’un RNN avant transferts égal à 47 milliards pour le premier dixième à 624 pour le dernier (soit un rapport de 13, 2 fois, on passe de revenus après redistribution élargie de respectivement 127 et 408 milliards, soit un rapport de 3,2.

Quant à l’indice de GINI, laissons la parole à l’Insee : « Le caractère redistributif du système de transferts s’estime également par la comparaison des indicateurs d’inégalité des distributions avant et après transferts. La redistribution élargie réduit le ratio entre la masse des niveaux de vie détenue par les 20 % les plus aisés et les 20 % les plus modestes de 7,6 à 2,4, tandis qu’elle abaisse l’indice de Gini de 21 points (0,38 avant transferts à 0,18 après transferts). La baisse de l’indice de Gini est plus de deux fois plus élevée que dans l’analyse usuelle (– 9 points). » Aucune comparaison internationale n’est possible sur la base des données utilisées par l’Insee pour le calcul de la redistribution élargie.

On retiendra cependant que sur la base de données rendues comparables internationalement, le coefficient de Gini français est particulièrement bas, inférieur à la moyenne de l’UE à 28, et très inférieur à celui de l’Allemagne, du RU, de l’Espagne et de l’Italie.

Conclusion

275 milliards, c’est la somme, nette de la valeur des prestations reçues, que les ménages des quatre derniers déciles redistribuent à ceux des six premiers à partir des 744 milliards qu’ils payent en contributions fiscales et sociales. Et sur ces 275 milliards, 216 proviennent du seul dernier dixième.

Premier constat, heureusement pour tous qu’il y a des riches ! Question pour un sondage : préféreriez-vous avoir en France un millier de Bernard Arnault et LVMH ou un millier de Mélenchon et la Nupes ?

Seconde observation, en admettant que la richesse soit immorale, comment l’abolir ?
Rappelons d’abord que les comparaisons présentées ici ne concernent que les revenus, et non le patrimoine (sauf l’IFI). Et quand certains parlent d’ « abolir les milliardaires », ils font allusion au patrimoine. Or le patrimoine de ces milliardaires est composé essentiellement de la valeur de leurs actifs professionnels, qui ont toujours été exclus de l’assiette de l’ISF. Confisquer cette valeur à titre fiscal (c’est-à-dire sans indemnité d’expropriation) n’aurait aucun effet sur le revenu des citoyens (qu’en ferait l’Etat et qui achèterait éventuellement sauf des étrangers ?) autre qu’une catastrophe pour les entreprises dont la valeur serait ainsi confisquée et la direction écartée (cf. les dénationalisations rapidement organisées après les nationalisations mitterrandiennes)…
Augmenter les impôts, déjà records dans le monde, n’aurait qu’un résultat faible (la transformation de l’ISF en IFI n’a coûté qu’environ 3 milliards à l’Etat, et nous parlons de dettes publiques mille fois supérieures) et aurait l’inconvénient de revenir à une situation où la France perdrait son attractivité… et ses fleurons et capitaines.
Quelle tristesse de voir une telle incapacité à comprendre que la richesse des uns est intimement liée à celle des autres et que c’est d’abord le gâteau à déguster qu’il faut agrandir avant de se disputer sur le partage.

Notes :

[1] Insee références, 27 mai 2021, « La redistribution est deux fois plus ample en incluant les services publics ». Voir notamment les données et la figure complémentaire 2 du tableau final.

[2] Un ménage est composé d’individus, ou « unités de consommation, dont le premier compte pour 1, le second pour 0,5 et chacun des suivants pour 0,3.

[3] « Cette méthode des comptes nationaux distribués permet de tenir compte du fait que tout ce qui est fourni par la collectivité est financé directement ou indirectement par la population et profite, in fine, à celle‑ci, à nouveau de manière directe ou indirecte » dit l’Insee. Le Revenu National Net (RNN), 1.982 milliards en 2018, est le Revenu National Brut (RNB) dont on a déduit la dépréciation des immobilisations, et le RNB est le PIB dont on a déduit les revenus de source étrangère.

[4] Cela est dû à ce que l’Insee tient compte de ce que les ménages modestes font une utilisation plus importante que les ménages riches des prestations en nature.

[5] La contribution du dernier dixième n’est d’ailleurs pas limitée aux 4 milliards de la différence entre cotisations payées et prestations reçues puisqu’au total les cotisations ne représentent que 259 milliards sur les 334 milliards que coûtent les retraites, la différence, soit 75 milliards étant comblée par l’Etat à partir de ses ressources fiscales que l’Etat collecte surtout auprès de ce dernier dixième.

[6] Les contributeurs pour la retraite ne sont pas les mêmes que les bénéficiaires dans notre système de répartition (différence de plusieurs générations), mais cela ne change pas la constatation.

1 commenter

zelectron 29 janvier 2024 - 12:32

la pensée de Jean-Luc Mélenchon jugeant immorale la richesse au motif du combat contre les inégalités sauf pour lui-même . . . .

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